Mise en page du blog

Mélenchon veut réintégrer les salariés licenciés abusivement: la double peine?

Virginie Ribeiro • avr. 23, 2017

Article rédigé par Marianne Rey, publié le 13/04/2017 sur l’Express

Aujourd’hui très peu de gens licenciés sans cause réelle et sérieuse demandent leur réintégration dans l’entreprise qui les a mis dehors. Et pour cause…

C’est une proposition « mélenchonnienne » issue du livret intitulé « Contre la loi El Khomri et son monde ». Le candidat de la France insoumise veut « mettre fin à l’impunité des employeurs en cas de licenciements abusifs ». Et pour ce faire, il envisage notamment la réintégration obligatoire des salariés victimes qui souhaitent revenir sur les lieux du « crime ».

« Aujourd’hui, un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse prononcé par un employeur ne conduit qu’à l’octroi de dommages et intérêts, peut-on lire dans son programme. Les salariés qui obtiendront gain de cause devant le conseil de prud’hommes auront droit, comme les salariés protégés actuellement, à la réintégration dans leur emploi et au versement de l’ensemble des rémunérations entre leur éviction et leur réintégration effective. »

Pour être exact, à l’heure actuelle, le salarié a déjà la possibilité de demander sa réintégration dans l’emploi, plutôt que des dommages et intérêts. Mais si l’employeur s’y oppose, ce qui est généralement le cas, il n’a d’autre choix que d’accepter la réparation financière du préjudice subi. Dans les faits, très peu de salariés réclament leur réintégration. « Cela peut arriver exceptionnellement, quand par exemple ils exerçaient un métier très pointu dans une entreprise exerçant un monopole, ce qui rend très difficile l’accès à un nouvel emploi, illustre l’avocate Virginie Ribeiro, qui défend en majorité des salariés. Mais on peut dire que globalement, les personnes licenciées abusivement ont souvent fait l’objet de manoeuvres brutales et vexatoires et ne veulent pas remettre les pieds dans la structure. Quelqu’un licencié à tort pour vol, par exemple, et qui a honte que ses collègues puissent le croire capable d’un tel forfait, n’en a pas la moindre envie. »

« Quand une entreprise vire quelqu’un, c’est qu’elle ne veut plus le voir »

Mais s’il en émet le désir, justement, pourquoi donner à l’employeur jugé fautif, le loisir de l’en empêcher? « Je défends en ce moment une salariée qui a été réintégrée après que son licenciement a été annulé… et qui a de nouveau été licenciée quatre mois plus tard, témoigne Virginie Ribeiro. Quand une entreprise vire quelqu’un, c’est qu’elle ne veut plus le voir. Non seulement rien ne l’empêche de recommencer, mais imaginez la pression subie par le salarié qui revient dans les murs. Il vit avec la terreur que la moindre faute de sa part le conduise à un nouveau licenciement. »

« Contraindre à la réintégration du salarié serait encore un frein supplémentaire à l’embauche, estime pour sa part Anna Milleret-Godet, avocate chez Cohen & Gresser, qui assure souvent la défense des employeurs. Et puis en pratique, le retour de l’employé a-t-il vraiment un sens, alors qu’au bout de la procédure devant le conseil et de l’appel éventuel, il s’est souvent passé plusieurs années? Sous couvert de mieux protéger les salariés, on en arrive à une mesure totalement contre-productive. »

« Quand on passe par les prud’hommes, qu’on a vécu toutes ces choses désagréables, un lien est cassé, confirme Anne-Sophie Le Fur-Leclair, avocate associée au cabinet Cornet Vincent Ségurel. C’est comme une histoire d’amour qui se termine. »

 

Besoin d’informations adaptées à votre dossier ? N’hésitez pas à prendre contact avec notre Cabinet.
Share by: